Agriculteurs: la mobilisation continue, la Coordination rurale veut “bloquer le fret alimentaire”

Remontés notamment contre le projet d’accord de libre-échange avec des pays latino-américains du Mercosur, les agriculteurs poursuivent mardi leur mobilisation, la Coordination rurale accentuant la pression en menaçant de “bloquer le fret alimentaire”.Deuxième syndicat agricole français, la Coordination rurale (CR) tient son congrès annuel jusqu’à mercredi dans la Vienne, un des trois départements dont elle tient, depuis 2019, la chambre d’agriculture.Dans un contexte de rivalité avec le syndicat majoritaire FNSEA, elle assure se tenir prête à “bloquer le fret alimentaire” à partir de mercredi, d’abord dans le sud-ouest de la France.Plus d’une centaine d’agriculteurs, majoritairement issus de cette organisation, sont partis mardi matin de Béziers en convoi d’une trentaine de véhicules, vers le péage du Boulou, à la frontière espagnole, pour tenter de bloquer les camions et filtrer les véhicules légers, ont constaté un correspondant et un photographe de l’AFP.Ils devaient rallier à Narbonne d’autres agriculteurs sur l’autoroute A9.En Gironde, une trentaine de tracteurs convergeaient au même moment, toujours à l’appel de la CR, de la zone viticole de l’Entre-Deux-Mers vers la préfecture de Bordeaux, dont l’accès a été protégé par les forces de l’ordre, selon un photographe de l’AFP.À l’approche, les manifestants ont déversé du lisier et des détritus devant l’hôtel de ville de Pessac en raison de la décision de la ville de ne plus commander, pour ses événements, de foie gras. La municipalité explique sur son site qu’il s’agit uniquement d’éviter le foie gras “industriel” issu un mode d’élevage “intensif”.Le mouvement est aussi suivi en Charente-Maritime, en Dordogne, dans le Lot-et-Garonne, les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, où les agriculteurs avaient rendez-vous devant les préfectures. C’était le cas également dans les Ardennes à Charleville-Mézières où quelques dizaines d’agriculteurs de la Coordination rurale ont déversé du fumier et des pneus devant la préfecture, selon le représentant du syndicat et la préfecture. Arrivés avec leurs tracteurs, ils prévoient d’y rester “au moins jusqu’à mercredi”.Moins d’un an après une mobilisation historique, les syndicats agricoles estiment que le compte n’y est pas. Ils ont à nouveau appelé leurs troupes à manifester mais en ordre dispersé, à l’approche des élections professionnelles qui se tiendront en janvier.Les troupes des syndicats majoritaires FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) ont commencé à se mobiliser lundi, en multipliant les opérations symboliques: brûlant à Bordeaux des ceps de vigne issus de l’arrachage de milliers d’hectares, plantant des croix dans le Var, bloquant à Strasbourg le pont de l’Europe vers l’Allemagne pour signifier à la Commission européenne leur opposition à l’accord de libre-échange en négociation avec le Mercosur.Selon les autorités, 68 actions ont été menées dans la nuit de lundi à mardi, rassemblant 7.180 agriculteurs et 1.898 engins agricoles.- “Cristallisation” -La classe politique française affiche une rare unanimité dans l’opposition à l’accord commercial avec des pays du Mercosur. Mardi, le gouvernement a annoncé qu’il allait proposer un débat au Parlement suivi d’un vote sur le sujet, afin de “renforcer la position qui est celle du président et celle du Premier ministre”, a expliqué la porte-parole de l’exécutif, Maud Bregeon.Mme Bregeon a assuré “à tenir un bras de fer aussi longtemps que nécessaire” avec la Commission européenne pour s’opposer au traité avec le Mercosur, qui ouvre notamment la voie à de nouvelles importations de viande bovine à droits de douane réduitsPour les agriculteurs, ce traité, fait office de repoussoir. Mais la liste des maux décrits dans les manifestations est beaucoup plus longue: normes excessives, concurrence déloyale, revenus et considération insuffisants… “Il n’y a pas eu de changement [depuis les manifestations de l’hiver passé] Ça se complique toujours, c’est toujours dur, moi ça ne me donne plus envie, ça me dégoûte”, témoigne Cyriac Blanchet, 18 ans, qui représente la 3e génération d’une exploitation familiale à Monségur, dans l’est de la Gironde.Lundi soir sur France 5, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a reconnu qu’il y avait “une forme de cristallisation” de la tension à l’approche des élections professionnelles du monde agricole, prévues en janvier.Ce scrutin, auquel moins d’un agriculteur sur deux a participé en 2019, détermine la gouvernance des chambres d’agriculture et le financement public dévolu aux syndicats.