Le président du Nigeria Bola Tinubu a entamé jeudi une visite d’Etat à Paris, une première depuis 24 ans, centrée sur le développement des relations économiques, alors que la France renforce ses partenariats en Afrique anglophone après une série de revers dans le Sahel francophone.Après une première cérémonie au musée militaire des Invalides, M. Bola Tinubu, portant un couvre-chef traditionnel, et le président Emmanuel Macron se sont chaleureusement serré la main sur le perron de l’Elysée, les premières dames des deux pays, Oluremi Tinubu et Brigitte Macron, se faisant la bise pour l’occasion.Les deux chefs d’Etat ont ensuite co-présidé un “Conseil d’affaires franco-nigérian” réunissant des patrons des deux pays. De “gros contrats” sont espérés dans la foulée de cette réunion, selon une source diplomatique à Paris. Ce “Conseil d’affaires” avait été lancé lors d’une visite que M. Macron avait effectuée au Nigeria dès 2018, l’année suivant son élection, pour marquer son intention de tisser davantage de liens avec les géants économiques émergents de l’Afrique anglophone, au-delà des partenaires africains francophones traditionnels de Paris.Pays le plus peuplé d’Afrique (227 millions d’habitants, et 410 millions attendus en 2050, selon l’ONU), le Nigeria était l’an dernier le premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne, selon les douanes françaises.”Nous avons une politique de porte ouverte et nous voulons que vos investisseurs en profitent”, expliquait récemment le chef d’Etat nigérian.Vendredi, M. Tinubu présidera un forum d’affaires avec le Medef, qui regroupe le patronat français.Confrontée à la concurrence de la Chine, de l’Inde ou de la Turquie, la France voit son poids dans les échanges avec l’Afrique sub-saharienne diminuer, même s’il reste important. Le Nigeria est pour sa part la quatrième économie d’Afrique en matière de PIB, selon le FMI, après en avoir été la première de 2014 à 2022.Le Nigeria est le premier pays producteur pétrolier d’Afrique et le groupe français TotalEnergies y est déjà bien implanté, mais la visite d’Etat vise à développer la coopération dans d’autres secteurs comme l’agroalimentaire, les nouvelles technologies, la transition énergétique, la banque.Quatre banques nigérianes sont déjà présentes à Paris et “il va y avoir une annonce lors de la visite sur la présence d’une (nouvelle) banque nigériane ici”, selon l’Elysée.”Il y aura aussi des annonces des deux ministres des Finances, notamment via des prêts du Trésor qui seront octroyés pour des projets concrets au Nigeria”, ajoute-t-on de même source.- “Changement de méthode” -Une centaine d’entreprises françaises sont présentes au Nigeria, où sont réalisés 65% des investissements directs étrangers (IDE) français en Afrique de l’Ouest.Lors de la visite d’Etat, “une attention toute particulière sera également portée aux jeunesses nigériane et française, à travers le développement d’échanges universitaires, professionnels et culturels”, selon Paris. Au Nigeria, l’âge médian est de 18 ans et plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.Les relations avec les Nigérians “incarnent le changement de méthode que l’on veut impulser”, car “ils sont courtisés par tout le monde et veulent un partenariat d’égal à égal, pas une approche +donneur de leçon+”, notamment sur les droits humains, estimait récemment une source diplomatique française.Le géant africain est pourtant critiqué par plusieurs ONG pour les atteintes aux droits humains commises par ses forces de sécurité contre sa population, notamment dans le cadre de la lutte contre les groupes jihadistes Boko Haram et Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), dans le nord de son territoire.La sécurité régionale au Sahel et en Afrique de l’Ouest sera ainsi évoquée, avec un soutien attendu à la Force multinationale mixte, créée en réponse à la montée des insurrections islamistes au Nigeria et dans la région du lac Tchad. Le Tchad, le Cameroun, le Nigeria et le Niger font partie de cette force.La France a pour sa part longtemps été engagée militairement dans la lutte contre les mouvements islamistes au Mali, au Burkina Faso et au Niger, avant d’être priée de retirer ses forces de ces pays à la suite d’une succession de coups d’Etat militaires.